À la suite d’accidents du travail particulièrement tragiques dans cette usine de production classée Seveso, la responsable QHSE de cette papèterie vosgienne a développé une culture de sécurité associant l’ensemble des salariés et leurs managers pour la prévention des accidents. Un pari réussi : si tous les accidents n’ont pu être évités, leur gravité est moindre.
Confrontée à de dramatiques accidents du travail dont plusieurs mortels, cette entreprise filiale du groupe norvégien Norske Skog a recruté en 2012 une responsable QHSE (qualité hygiène sécurité environnement), Sandrine Mocoeur. Elle arrive dans une entreprise traumatisée par ces accidents, raconte-elle lors des Débats d’Eurogip du 21 mars 2019 : "Il y avait une grande incompréhension entre les salariés et la direction".
Ce site de production de papier journal, situé près d’Epinal dans les Vosges, emploie aujourd’hui 325 salariés. L'usine est classée Seveso seuil bas. "Nous avons des risques liés à l’industrie lourde, chutes de hauteur, écrasements, risques machines, mais aussi tout un panel d’autres risques d’accidents du travail", précise la responsable QHSE.
Consciente de ces enjeux pour ses salariés, l’entreprise avait pourtant diligenté une série de diagnostics et d’études. Elle s’était aussi dotée d’outils informatiques censés permettre d’analyser les presqu’accidents et de développer le REX, retour d’expériences. Mais les bénéfices de ces outils ne se sont pas révélés aussi pertinents qu’attendus.
"Une culture plutôt norvégienne de la sécurité avait été déployée dans l’entreprise, avec beaucoup de consignes, de règles procédurales écrites dans des bureaux d’études. Les salariés ne s’étaient visiblement pas appropriés cette culture, peu adaptée au contexte de l’entreprise et à ses impératifs de production", souligne Sandrine Mocoeur.
Pour mieux comprendre les attentes et problèmes des salariés, tout en les associant pleinement à la construction d’une culture de sécurité partagée, Sandrine Mocoeur décide de mettre en place des petits groupes de travail participatifs réunissant les opérateurs de la production et de la maintenance avec leurs chefs d’équipe.
"Je pars de deux principes : la force se trouve dans le collectif de travail, et ce sont les salariés qui ont la solution. En tant que responsable de la sécurité, je ne fais que catalyser les bonnes idées", explique Sandrine Mocoeur.
Elle propose aussi à quelques salariés volontaires de devenir "relais sécurité" pour leur atelier. L'objectif de Sandrine Mocoeur est "que les salariés soient le plus autonomes possible en matière de sécurité".
Le site compte aujourd’hui 12 salariés "relais sécurité", lesquels réalisent un travail de surveillance et de concertation avec leurs collègues. "Tous les salariés peuvent communiquer directement avec moi, j’ai cependant des contacts privilégiés avec les 'relais sécurité' sur le terrain", précise-t-elle. Dès son arrivée, elle a associé les représentants du personnel CHSCT à cette démarche participative, organisant avec eux des réunions, mensuelles puis trimestrielles.
Outre le budget global de sécurité pour l’entreprise, la responsable QHSE dispose d’un budget dédié de 10 000 euros annuels pour financer les actions de sécurité décidées collectivement par les équipes de terrain.
Le site Norske Skog Golbey compte cinq zones de production distinctes. "C’est au manager de décider avec son équipe quelles vont être les priorités d’actions à mettre en œuvre sur une zone donnée, détaille Sandrine Mocoeur. Il s'agira par exemple de sécuriser telle machine ou tel accès. Je peux orienter les décisions en fonction de mes connaissances, mais je ne donne pas de ligne directrice. Pour donner du sens à la sécurité, il faut que chacun puisse se sentir impliqué."
La direction du site s’est quant à elle engagée dans l’objectif "zéro accident" avec l’instauration d’une prime d’intéressement. Entre autres indicateurs, cet intéressement diminue avec le nombre d’accidents du travail. Si Sandrine Mocoeur explique qu'elle n'est "pas opposée à cette mesure", considérant que cela peut être une incitation pour les équipes, elle "relativise" et "vise plutôt le zéro accident imputable à un défaut de sécurité".
Les actions de la responsable QHSE auraient été fructueuses. "Aujourd’hui, tous les salariés en accident du travail sont en capacité de revenir au travail dès le lendemain, affirme-t-elle. Nous avons encore une dizaine d’accidents du travail par an, mais leur typologie n’a rien à voir avec les graves accidents qu’a pu connaître l’entreprise."
Même si la question de la sécurité reste "épidermique" dans une entreprise qui a connu d’aussi graves accidents du travail, le climat social s’est amélioré avec le déploiement de cette culture de prévention. Élément clé pour Sandrine Mocoeur : "Les salariés se sont sentis écoutés, reconnus".
► Le travail de Sandrine Mocoeur a été distingué par la Carsat Nord-Est, laquelle a réalisé en septembre 2018 un documentaire d’une quinzaine de minutes sur cette expérience.
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HSE
Hygiène, sécurité et environnement (HSE) est un domaine d’expertise ayant pour vocation le contrôle et la prévention des risques professionnels ainsi que la prise en compte des impacts sur l’environnement de l’activité humaine. L’HSE se divise donc en deux grands domaines : l’hygiène et la sécurité au travail (autrement appelées Santé, Sécurité au travail ou SST) et l’environnement.
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